Politique sur l'utilisation des directives du président

Politique no 2003-07

Date d'entrée en vigueur : 27 octobre 2003


Table des matières

  1. Contexte
    1. 1.1 Texte législatif
    2. 1.2 Stratégie décisionnelle
  2. Processus en vue de proposer des Directives
  3. Circonstances dans lesquelles le président peut exercer son pouvoir
    1. 3.1 Traiter une question juridique précise
    2. 3.2 Aider les décideurs relativement à des questions mixtes de droit et de fait
    3. 3.3 Codifier l'exercice du pouvoir discrétionnaire
    4. 3.4 Aider les décideurs relativement à des questions de procédure
  4. Consultation
  5. Les directives expirent-elles?
  6. Directives données par le président : les incidences

1.  Contexte

La présente politique régit l'exercice du pouvoir du président de donner des directives écrites à la Section de l'immigration (SI), la Section d'appel de l'immigration (SAI) et la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR ou Commission). La présente politique établit :

  • un cadre qui définit les circonstances dans lesquelles ce pouvoir peut être exercé;
  • le processus menant à la décision de donner des directives.

1.1  Texte législatif

La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiésNote 1 confère au président le pouvoir de donner des directives et de préciser les décisions qui servent de guide jurisprudentiel pour aider les commissaires dans l'exécution de leurs fonctions :

159. (1) Le président est le premier dirigeant de la Commission ainsi que membre d'office des quatre sections; à ce titre :

h) après consultation des vice-présidents et du directeur général de la Section de l'immigration et en vue d'aider les commissaires dans l'exécution de leurs fonctions, il donne des directives écrites aux commissaires et précise les décisions de la Commission qui serviront de guide jurisprudentiel;

L'ancienne Loi sur l'immigrationNote 2 prévoyait un pouvoir similaire à cette fin. Quatre directives ont été données sous le régime de l'ancienne loi : Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe; Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié : Questions relatives à la preuve et à la procédure; Civils non combattants qui craignent d'être persécutés dans des situations de guerre civile; et Directives sur la détention.

Dans le jugement Fouchong,Note 3 la Section de première instance de la Cour fédérale a confirmé la validité des directives intitulées Revendicatrices du statut de réfugié craignant d'être persécutées en raison de leur sexe :

« Les Directives n'ont pas force de loi, mais elles sont autorisées par le paragraphe 65(3) de la Loi. Elles ne sont pas obligatoires, mais elles doivent être examinées par les membres du tribunal dans les cas appropriés. »

La Cour fait ensuite référence à la partie de la note du président accompagnant la mise en circulation des Directives traitant de leurs incidences.

Enfin, plus récemment, la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Bell Canada,Note 4 a renforcé la légitimité de la décision d'un tribunal d'utiliser les outils que lui donne la loi, tels les directives, pour appuyer sa stratégie décisionnelle.

1.2  Stratégie décisionnelle

La capacité de la CISR d'élaborer un corpus cohérent et uniforme de décisions faisant jurisprudence repose, en partie, sur la mise au point d'une approche coordonnée et rationnelle de sa fonction décisionnelle, y compris de sa procédure.

Pour assurer une efficacité optimale, chaque Section doit définir une approche sélective et stratégique du règlement des cas. L'un des aspects de cette stratégie décisionnelle consiste à identifier les questions répétitives susceptibles de façonner la jurisprudence ou la pratique de la Commission. Comme les directives du président sont susceptibles d'influer sur un grand nombre de cas devant la Commission, elles constituent une partie importante de toute approche stratégique de règlement des cas.

L'autre aspect de la stratégie décisionnelle d'une Section a trait à la procédure. Chaque Section doit continuellement s'employer à mettre en place les procédures nationales et régionales les plus efficaces en vue d'améliorer la qualité, la cohérence et l'efficacité du processus décisionnel, une composante des grandes priorités stratégiques de la Commission. La Commission doit relever ces défis opérationnels sur le plan institutionnel, compte tenu de sa position à titre de plus grand tribunal administratif au pays dont les bureaux sont répartis dans cinq régions et comptent de nombreux décideurs qui rendent des milliers de décisions chaque année. 

Un certain nombre d'options sont disponibles et, dans leur ensemble, constituent les outils dont dispose la Commission pour appuyer sa stratégie décisionnelle. Ces options ne s'excluent pas mutuellement. L'une ou l'autre ou l'ensemble de ces options peuvent être choisies à un moment particulier. Ce sont :

  • Directives du président;
  • Précision des décisions qui servent de guide jurisprudentiel;Note 5
  • Désignation des décisions à caractère persuasif;
  • Utilisation de tribunaux à trois commissaires (SPR et SAI);
  • Cas type;
  • Consultation entre les commissaires sur les ébauches de décision conformément aux critères énoncés dans l'arrêt Consolidated-Bathurst;Note 6
  • Demande d'autorisation de la part de la Commission d'intervenir dans la procédure judiciaire d'une cour supérieure.Note 7

Les directives et les guides jurisprudentiels sont des outils complémentaires qui visent à favoriser l'uniformité, la cohérence et l'équité dans le traitement des cas à la Commission. L'introduction dans la Loi de cette disposition sur les directives et les guides jurisprudentiels précise l'intention du législateur qui souhaite que le président participe à la stratégie décisionnelle de la CISR dans son ensemble en vue d'aider les décideurs lorsqu'il s'agit de questions qui revêtent une importance particulière quant au fond et à la procédure.

En conséquence, la CISR a élaboré la présente politique qui régit l'exercice du pouvoir du président de donner des directives.

2.  Processus en vue de proposer des Directives

Le chef d'une Section visée peut, après consultation du secrétaire général au sujet de toutes incidences opérationnelles, soumettre par écrit au Comité de direction du président (CDP) toute question ou affaire qui, selon lui, gagnerait à être régie par des directives, suivant les critères énoncés à la section 3 ci-dessous.

Le secrétaire général peut, après consultation du chef d'une Section visée, soumettre par écrit au CDP toute question ou affaire opérationnelle qui, selon lui, gagnerait à être régie par des directives, suivant les critères énoncés à la section 3.4 ci-dessous.

Toute soumission doit être accompagnée d'une note de service d'un membre du personnel, contresignée par l'avocat général, évaluant les considérations d'ordre juridique qui pourraient découler de directives sur cette question ou affaire. Le CDP recommandera au président si cette question ou affaire doit faire l'objet de directives. Toutefois, c'est uniquement le président qui a le pouvoir de décider de donner des directives.

3.  Circonstances dans lesquelles le président peut exercer son pouvoir

L'alinéa 159(1) h) de la Loi confère deux pouvoirs distincts au président : 1) celui de donner des directives et 2) celui de préciser les décisions qui serviront de guide jurisprudentiel. L'exercice de ces deux pouvoirs vise le même objectif : aider les commissaires dans l'exécution de leurs fonctions. Le cas échéant, les directives données peuvent s'appliquer à plus d'une Section de la Commission.

Le président peut envisager d'exercer le pouvoir de donner des directives dans quatre cas précis indiqués ci-dessous :

3.1  Traiter une question juridique précise

Une Section peut sentir la nécessité de traiter une question juridique précise pour plusieurs raisons, notamment pour :

  • aborder une question d'actualité;
  • dissiper une ambiguïté dans le droit;
  • éliminer une incohérence dans le processus décisionnel;
  • établir une interprétation juridique comme option privilégiée.

3.2  Aider les décideurs relativement à des questions mixtes de droit et de fait

Outre le traitement de questions de nature purement juridique, comme l'indique la section 3.1 ci-dessus, les directives peuvent aussi servir à préciser des questions mixtes de droit et de fait.

Les questions mixtes de droit et de fait chevauchent à la fois les questions de droit, qui s'appliquent à tous les cas, et les questions de fait, qui ne s'appliquent qu'à un cas précis. Dans l'arrêt Southam,Note 8 la Cour suprême du Canada a établi la distinction comme suit :

« En résumé, les questions de droit concernent la détermination du critère juridique applicable; les questions de fait portent sur ce qui s'est réellement passé entre les parties; et, enfin, les questions de droit et de fait consistent à déterminer si les faits satisfont au critère juridique.

Des directives pourraient, par exemple, traiter de certains aspects des conditions dans un pays source de réfugié.

3.3  Codifier l'exercice du pouvoir discrétionnaire

Il arrive bien souvent que l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré aux décideurs n'est pas codifié dans la Loi ou dans les Règles de la CISR ni autrement défini par la jurisprudence des cours supérieures. En pareil cas, le président peut donner des directives. Des directives peuvent également être données dans les cas où des dispositions législatives ou d'autres directives sont déjà en vigueur dans le but d'orienter davantage les décideurs. 

Des directives pourraient, par exemple, énoncer l'approche privilégiée quant à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire d'ordre procédural.

3.4  Aider les décideurs relativement à des questions de procédure

Des directives peuvent aussi être données au sujet de questions de procédure. De telles directives seraient différentes des Règles de la CISR car elles permettraient à la Commission d'être plus souple pour gérer les questions de procédure. Elles pourraient, au besoin, être révisées plus facilement que les Règles de la CISR. Des directives pourraient ainsi être données sur une question précise, comme la mise au rôle des procédures, ou être de portée plus générale, comme pour donner une orientation générale sur le mode de tenue des audiences.

4.  Consultation

Si le président a décidé d'exercer son pouvoir et de donner des directives, il doit consulter les vice-présidents et le directeur général de la SI, selon le cas, conformément à l'alinéa 159(1) h) de la Loi. D'autres consultations doivent également avoir lieu, selon la nature de la question ou affaire traitée dans les directives, y compris des consultations avec le secrétaire général.

Des consultations externes ont également lieu dans la mesure où le président le juge approprié.

5.  Les directives expirent-elles?

Les directives demeurent en vigueur à moins de révocation expresse du président.

La Commission suivra de près le contrôle de ses décisions par les cours supérieures. Dans l'éventualité où les directives sont incompatibles avec une décision rendue ultérieurement par une cour supérieure, elles seront soit révisées, pour les rendre conformes à la décision en question, soit révoquées. Il appartiendra au président de décider s'il y a lieu de les réviser ou de les révoquer, après consultation des vice-présidents et du directeur général de la SI ainsi que du secrétaire général, selon le cas.

Dans les autres cas, le président décide à son gré de révoquer des directives, après consultation des vice-présidents et du directeur général de la SI ainsi que du secrétaire général, selon le cas.

6.  Directives données par le président : les incidences

Les directives données par le président sont communiquées au public. On s'attend que les parties et leur conseil soient au courant de l'existence des directives sur un sujet particulier.

On s'attend des commissaires qu'ils suivent les directives, même s'ils n'y sont pas liés, et qu'ils ne s'en écartent que s'il existe des raisons exceptionnelles et impérieuses de le faire.

Un commissaire doit expliquer dans son raisonnement pourquoi il ne souscrit pas aux directives lorsque, compte tenu des faits ou circonstances de l'affaire, on s'attendrait à ce qu'il les suive.

Notes

Note 1

Alinéa 159(1) h) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

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Note 2

Paragraphes 65(3) et (4) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, tels que modifiés par les L.C. 1992, ch. 49.

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Note 3

Fouchong, Donna Hazel c. Canada (Secrétaire d'État) (C.F. 1re inst., IMM-7603-93), MacKay, 18 novembre 1994. Ultérieurement, la Cour a réaffirmé la légalité des directives dans Narvaez c. Canada (M.C.I.), [1995] 2 C.F. 55 (1re inst.).

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Note 4

Bell Canada c. Association canadienne des employés de téléphone, 2003 CSC 36.

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Note 5

Politique sur l'utilisation de guides jurisprudentiels, politique no 2003-01 de la CISR, 21 mars 2003.

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Note 6

Consolidated-Bathurst Packaging Ltd. c. Syndicat international des travailleurs du bois d'Amérique, section locale 2-69, [1990] 1 R.C.S. 282.

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Note 7

Politique sur les interventions devant les cours supérieures, politique no 2003-02 de la CISR, 21 mars 2003.

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Note 8

Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, pp. 766-767.

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