Politique de révision des motifs

Décembre 2014


Table des matières

  1. Objet
  2. Champ d’application
  3. Contexte
  4. Objectifs de la révision des motifs
  5. Énoncé de politique
    1. 5.1 Caractère volontaire
    2. 5.2 Confidentialité
    3. 5.3 Nature des commentaires formulés par les Services juridiques
    4. 5.4 Portée de la révision des motifs
    5. 5.5 Restrictions
    6. 5.6 Motifs de décision exposés de vive voix
  6. Procédures
    1. 6.1 Présentation
    2. 6.2 Traitement en temps opportun
    3. 6.3 Révisions ultérieures
  7. Responsabilité de la gestion
  8. Surveillance
  9. Demandes de renseignements
  10. Approbation

1. Objet

La Politique de révision des motifs vise à assurer la transparence et la cohérence en ce qui a trait aux politiques et aux procédures concernant la révision des motifs à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR, ou la Commission).

2. Champ d’application

Le président de la Commission établit la Politique, qui entre en vigueur à la date où elle est approuvée. Elle remplace la Politique de révision des motifs qui a été publiée à l’origine en avril 1993 et modifiée en août 1997.

La présente politique s’applique à l’ébauche des motifs de décision que les décideurs (ou les commissaires) de la CISR préparent par écrit, de même qu’à la révision des motifs de décisions proposés qu’ils exposent de vive voix.

3. Contexte

La CISR est un tribunal administratif indépendant qui comprend la Section de la protection des réfugiés (SPR), la Section d’appel des réfugiés (SAR), la Section de l’immigration (SI) et la Section d’appel de l’immigration (SAI)Note 1. Les décideurs nommés conformément à la Loi sur l’emploi dans la fonction publiquecomposent la SPR et la SI, et des décideurs nommés par le gouverneur en conseil pour des mandats déterminés composent la SAR et la SAI. Les décideurs de la Commission viennent de divers milieux, et bon nombre d’entre eux se joignent à la Commission sans formation juridique ou expérience connexeNote 2.

La Direction générale des services juridiques est chargée de fournir toute une gamme de conseils juridiques et stratégiques au président, à la haute direction, aux décideurs et à d’autres membres du personnel de la CISR, avec efficacité et professionnalisme. Dans le cadre de l’une de leurs activités, les Services juridiques examinent, sur demande, l’ébauche de motifs de décision. Les objectifs de la révision des motifs sont présentés à la Section 4 ci-après.

Dans l’affaire WeerasingeNote 3, la Cour d’appel fédérale a approuvé la pratique de la Commission qui consiste à faire réviser les motifs de ses membres par un conseiller juridique avant leur publication. La Cour a fait valoir qu’il est manifestement important de faire réviser l’ébauche des motifs compte tenu de la composition de la Section du statut de réfugié et de la nature de ses décisions. En outre, la Cour a déterminé que le fait de demander un avis juridique sur l’ébauche des motifs n’enfreint pas les règles de justice naturelle. Par la suite, dans l’affaire BovbelNote 4, la Cour d’appel fédérale n’a trouvé rien à redire à la Politique de révision des motifs de la Commission d’avril 1993.

4. Objectifs de la révision des motifs

Voici les objectifs de la révision des motifs :

  • aider la CISR à s’acquitter de sa mission, c’est‑à‑dire de régler, avec efficacité et équité, des questions touchant les immigrants et les réfugiés, conformément à la loi;
  • aider les décideurs à exprimer avec précision les motifs de leurs décisions en faisant des commentaires ou en donnant des conseils, s’il y a lieu, qui ont trait aux sujets élaborés dans la partie intitulée « Portée de la révision des motifs »;
  • aider les décideurs en leur offrant des services qui répondent à leurs besoins individuels, en particulier dans le cadre de la formation des nouveaux commissaires;
  • aider la CISR à déterminer les sujets pouvant donner matière à un perfectionnement professionnel;
  • aider la CISR à rendre sa jurisprudence accessible aux décideurs et aux employés de la Commission ainsi qu’au public au moyen de la détermination des décisions aux fins de publication.

5. Énoncé de politique

5.1 Caractère volontaire

Le décideur est libre d’accepter ou de refuser les commentaires formulés par les Services juridiques sur les motifs de décision.

La révision des motifs est un service optionnel que les Services juridiques offrent aux décideurs. Cependant, la formation de nouveaux commissaires constitue une situation particulière et, dans ce contexte, les conseillers juridiques travaillent avec les nouveaux commissaires au sein d’une équipe qui peut comprendre un conseiller en perfectionnement professionnel, un commissaire expérimenté agissant comme mentor et le gestionnaire responsable du nouveau commissaire. Par conséquent, on s’attend à ce que les nouveaux commissaires fassent appel au service de révision des motifs offerts par les Services juridiques conformément au programme de formation des nouveaux commissaires.

Un gestionnaire peut recommander à un commissaire de demander aux Services juridiques qu’ils examinent son ébauche de motifs en raison de la complexité ou de la nouveauté du cas ou du fait que le gestionnaire du commissaire est d’avis que cette démarche serait cohérente avec les objectifs de la révision des motifs.

5.2 Confidentialité

Les condensés des décisions et les motifs de décision d’un décideur appartiennent à ce dernier et non à la CommissionNote 5.

La Politique de révision des motifs est assujettie aux Instructions régissant le secret professionnel de l’avocat et la confidentialité des avis juridiques à la CISR du président (Instructions du président)Note 6. Entre autres, les Instructions du président prévoient que, lorsqu’un commissaire de la CISR demande un avis juridique relativement à la rédaction des motifs d’une décision, la CISR traite cet avis juridique comme une communication confidentielle entre le commissaire en question et les Services juridiques. En d’autres mots, les Services juridiques ne divulguent pas à la direction de la CISR la communication entre le commissaire et les Services juridiques, non plus que le fait que le commissaire en question a demandé que les Services juridiques examinent ses motifs de décision.

Lorsqu’un tribunal constitué de trois commissaires est saisi d’une question devant une Section, les commentaires formulés par les Services juridiques sur l’ébauche des motifs de décision sont accessibles à tous les commissaires du tribunal ainsi constituéNote 7.

Les commentaires faits par les Services juridiques relativement à la rédaction des motifs de décision ne sont pas utilisés aux fins de l’évaluation du rendement du décideur.

Les commentaires faits par les Services juridiques peuvent être utilisés, de façon générale, conformément aux instructions du président, pour élaborer des critères d’évaluation du rendement, pour cerner les besoins en formation et en perfectionnement professionnel des commissaires et les secteurs nécessitant l’élaboration de politiques ainsi que pour prévoir le recours à des services juridiques.

5.3 Nature des commentaires formulés par les Services juridiques

La révision des motifs est un exercice qui exige de la souplesse. La nature des commentaires formulés par les Services juridiques peut varier selon l’expérience des décideurs et la complexité et la nouveauté des questions en jeu.

Les commentaires faits respectent l’indépendance du décideur, ils sont conformes à l’objectif de produire des motifs concis et ils encouragent les décideurs à se concentrer sur les questions et les analyses essentielles.

5.4 Portée de la révision des motifs

Il y a deux types d’examen de motifs écrits : la révision standard et la révision sélective. Les Services juridiques fournissent la révision standard à moins que le décideur ne demande une révision sélective.

Les Services juridiques peuvent aussi donner des conseils sur des propositions de motifs exposés de vive voix.

Un commissaire peut également demander des conseils juridiques aux Services juridiques pendant la suite des procédures sur toute question touchant les procédures, et les mêmes principes généraux énoncés dans les sections 5.1 à 5.3 ci‑dessus s’appliquent.

5.4.1 Révision standard

On procède généralement à une révision standard de l’ébauche des motifs sans autres renseignements. Cependant, les Services juridiques peuvent consulter le dossier si cela contribue à respecter les objectifs de la révision des motifs.

Des commentaires brefs ou élaborés y sont faits sur les points suivants et, s’il y a lieu, des conseils sont donnés :

  • les questions procédurales et juridiques essentielles de fond;
  • d’autres analyses juridiques, mais seulement si elles s’avèrent nécessaires et permettent de faciliter le règlement des questions soulevées dans les motifs;
  • les erreurs de droit potentielles;
  • les incohérences apparentes dans la rédaction des motifs;
  • la jurisprudence, notamment les guides jurisprudentiels, les décisions à caractère persuasif, les avis juridiques et d’autres documents de référence juridiques, les directives du président et les politiques susceptibles d’être pertinentes pour la rédaction des motifs.

5.4.2 Révision sélective

La révision sélective consiste à donner des conseils sur une ou des questions soulevées par un décideur.

5.5 Restrictions

L’examen des motifs de décision ne comprend habituellement pas les éléments suivants :

  • la révision de la version écrite des motifs donnés de vive voix;
  • les incohérences factuelles entre les motifs et les renseignements versés au dossier;
  • la détection d’erreurs de grammaire, de syntaxe, de ponctuation ou d’orthographe ou d’erreurs dans les citations, à moins que ces erreurs ne nuisent à la cohérence.

5.6 Motifs de décision exposés de vive voix

Des dispositions législatives permettent au commissaire d’exposer des décisions de vive voix ou de les rendre par écrit dans la plupart des casNote 8. Les Règles de la Section de la protection des réfugiés prévoient que les décisions et les motifs exposés de vive voix sont la norme à la SPRNote 9. Les décisions et les motifs exposés de vive voix sont également la norme en vigueur à la SI, et sont encouragés à la SAI. Actuellement, les décisions et les motifs exposés de vive voix ne sont pas permis à la SARNote 10.

Les Services juridiques donneront la priorité aux membres qui demandent des conseils concernant leurs propositions de motifs donnés de vive voix.

6. Procédures

6.1 Présentation

L’ébauche des motifs écrits proposés peut être présentée aux Services juridiques sur support papier ou, pour plus d’efficacité, sur support électronique. Les Services juridiques peuvent également procéder à une révision officielle à l’une ou l’autre des étapes du processus afin de fournir des avis juridiques aux commissaires.

Les commentaires des Services juridiques peuvent être écrits à la main sur la copie papier des motifs ou annexés à celle‑ci ou sous forme d’annotations électroniques sur la version électronique des motifs.

Un commissaire peut rencontrer un représentant des Services juridiques pour discuter des propositions des motifs donnés de vive voix. Le commissaire peut choisir d’utiliser des notes afin de faciliter cette discussion ou choisir seulement de tenir une discussion de vive voix.

6.2 Traitement en temps opportun

Les Services juridiques accorderont la priorité à leur révision des motifs écrits afin de la réaliser en temps opportun et établiront leur engagement en matière de délais de traitement en fonction des besoins de la Section et compte tenu de la priorité qui doit être donnée aux motifs donnés de vive voix.

6.3 Révisions ultérieures

Les Services juridiques révisent habituellement les motifs écrits seulement une fois. Cependant, ils peuvent mener des révisions supplémentaires dans des situations exceptionnelles, moyennant l’approbation de l’avocat général des Services juridiques.

7. Responsabilité de la gestion

La mise en œuvre de la présente politique relève de la responsabilité de l’avocat général des Services juridiques, dont les fonctions comprennent l’attribution de révision de motifs à des conseils juridiques, l’élaboration de stratégies de révision efficaces et le respect des besoins des sections dans les bureaux régionaux.

8. Surveillance

La surveillance des programmes et l’évaluation de la présente politique relèvent de la responsabilité de la Direction générale des services juridiques et de chacune des sections de la Commission.

9. Demandes de renseignements

Pour de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec la personne ci‑dessous :

Directeur, Politiques et procédures
Direction générale des politiques, de la planification et des recherches
Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada
Place Minto — Édifice Canada
344, rue Slater, 12e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0K1

Disponible en français et en anglais sur le site Internet de la CISR.

signé par Ken Sandhu
Président par intérim
18 décembre 2014


Notes

Note 1

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), L.C. 2001, chap. 27, art. 151.

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Note 2

Le paragraphe 153(4) de la LIPR prévoit actuellement que le vice‑président de la Section d’appel de l’immigration, la majorité des vice‑présidents adjoints de cette section et au moins dix pour cent des commissaires de la Section d’appel des réfugiés et de la Section d’appel de l’immigration sont obligatoirement inscrits, depuis au moins cinq ans, au barreau d’une province ou membres de la Chambre des notaires du Québec. Il n’existe pas de condition obligatoire d’admissibilité semblable pour des commissaires de la Section de la protection des réfugiés et de la Section de l’immigration.

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Note 3

Weerasinge c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 330 (C.A.).

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Note 4

Bovbel v. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 C.F. 563 (C.A.). Demande d’autorisation d’appel devant la Cour suprême du Canada rejetée le 8 septembre 1994 (numéro de dossier 24108). La Cour d’appel fédérale (CAF) a jugé que, même si la Politique de révision des motifs de la Commission était formulée de façon à donner l’impression que l’ébauche des motifs devrait être examinée en règle générale, « en supposant que cette conclusion soit juste, nous ne comprenons pas pourquoi, si la politique de la Commission est par ailleurs acceptable, son application générale la rendrait irrégulière ». La CAF a également déclaré ce qui suit : « De toute évidence, s’il n’y a rien d’irrégulier à ce que l’auteur des motifs reçoive les commentaires d’un conseiller juridique, il ne peut y avoir rien d’irrégulier à ce qu’un autre commissaire, qui doit souscrire aux motifs, en prenne connaissance. » En ce qui concerne l’analyse des faits, la CAF a énoncé ce qui suit : « En lisant correctement les documents versés au dossier, on constate, à notre avis, qu’on ne s’attendait pas que les conseillers juridiques discutent des conclusions de fait tirées par les commissaires, mais qu’ils jettent simplement un coup d’œil au dossier, lorsque les motifs contenaient une contradiction relativement aux faits, afin de déterminer, si possible, comment cette contradiction pouvait être corrigée. Il était certes toujours possible que les conseillers juridiques outrepassent leur mandat et essaient d’influencer les conclusions de fait tirées par la Commission, étant donné qu’ils avaient accès au dossier. »

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Note 5

Tunian c. Président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, 2004 CF 849 (CanLII), concernant une demande présentée en vertu de l’article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, chap. P‑21, à des fins de contrôle judiciaire de la décision de la CISR de ne pas divulguer l’ébauche des motifs préparée par un commissaire de la CISR, qui a jugé que les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugié au sens de la Convention. La Cour fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 9 : « […] La Commission n’exige pas du membre qu’il conserve un projet de motifs ou des notes d’une audience dans le dossier officiel, puisque cela fait partie d’un processus décisionnel lié à une fonction juridictionnelle indépendante et que, de ce fait, cela ne devrait pas relever de la Commission. La politique de la Commission est plutôt d’encourager ses membres à conserver des notes dans la mesure où elles sont utiles dans le cadre du processus décisionnel. Par conséquent, toutes les notes, y compris les ébauches de motifs, préparées par un membre de la Commission sont considérées comme appartenant au membre. »

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Note 6

Instructions régissant le secret professionnel de l’avocat et la confidentialité des avis juridiques à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (date d’entrée en vigueur : 30 juillet 2010).

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Note 7

Supra, note 4.

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Note 8

Voici un extrait de l’article 169 de la LIPR :

169. Les dispositions qui suivent s’appliquent aux décisions, autres qu’interlocutoires, des sections :
  1. a) elles prennent effet conformément aux règles;
  2. b) elles sont motivées;
  3. c) elles sont rendues oralement ou par écrit, celles de la Section d’appel des réfugiés devant toutefois être rendues par écrit;
  4. d) le rejet de la demande d’asile par la Section de la protection des réfugiés est motivé par écrit et les motifs sont transmis au demandeur et au ministre;
  5. e) les motifs écrits sont transmis à la personne en cause et au ministre sur demande faite dans les dix jours suivant la notification ou dans les cas prévus par les règles de la Commission;
  6. f) les délais de contrôle judiciaire courent à compter du dernier en date des faits suivants : notification de la décision et transmission des motifs écrits.

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Note 9

La règle 10(8) des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012‑256, précise ce qui suit : « Le commissaire de la Section rend une décision et donne les motifs de la décision de vive voix à l’audience, à moins qu’il ne soit pas possible de le faire. »

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Note 10

La restriction imposée aux décisions données de vive voix à la SAR sera supprimée lorsque l’art. 25 de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés, 2010, chap. 8, selon les modifications de 2012, chap. 17, art. 65(F), entrera en vigueur.

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